Revue Interfaces Numériques : formes d’attention, de présence et d’engagement

Interfaces Numériques Volume 7, n° 1/2018

Parution en janvier 2018

Formes et dynamiques d’attention, de présence et d’engagements

Dirigé par

Etienne Armand Amato & Etienne Perény

http://editions-design-numerique.fr/aac-interfaces-numeriques-volume-7-n-12018/

 

Ce prochain numéro de la revue « Interfaces Numériques » ambitionne de théoriser les rapports qui unissent l’attention, la présence et l’engagement. Cela situe d’emblée l’investigation au niveau des modalités d’implication générées tant par les médias interactifs, que par les situations vécues et les objets informatisés ou connectés qui les véhiculent. Notamment autour de l’image et des écrans, les efforts de théorisation pour cerner les caractéristiques de ces formes particulières et propres ont bien souvent rejoint les connaissances pratiques des concepteurs, inventeurs et designers investis dans l’expérimentation et l’exploitation.

En premier lieu, il est remarquable que la généralité et polysémie même de ces trois notions favorisent les convergences de champs disciplinaires et professionnels. Toutefois, le revers en est qu’elles induisent nombre d’approximations et d’indéterminations du fait d’un flou définitionnel et méthodologique, au point qu’elles peuvent s’appliquer à tous les types de communications et relations médiatiques. Difficile dans ce contexte de prétendre cumuler savoirs et expertises, en un mouvement pourtant indispensable à toute démarche scientifique, mais aussi à la consolidation des expertises professionnelles à visée opérationnelle.

Ainsi, l’attention est aisément conçue comme équivalente au rapport entre perception, voire réception, et cognition focalisée. Depuis l’héritage des sciences humains distinguant concentration et attention flottante par exemple, jusqu’à sa conceptualisation réactualisée par des travaux ayant fait date sur l’ « hyper-attention » versus « attention profonde »[1] , cette notion semble toujours avoir été au cœur des études médiatiques, depuis le livre jusqu’à la télévision, en passant par la radio, la bande dessinée et le cinéma. Dans le large domaine de l’interactivité, le consensus est plus difficile, car loin de la simple concentration et consultation, elle devient attention « en vue de » possibles interventions imposant des choix.

En fonction de son champ d’application et des enjeux de l’activité médiatique, des efforts de catégorisation ont cherché à distinguer différents régimes d’attention[2] plus ou moins prenants. Quant à la notion de présence, elle est d’abord apparue historiquement dans le domaine de l’informatique, sous le nom de « téléprésence ». Celle-ci, se définit comme capacité à se projeter dans un autre contexte d’activité, avec des applications, dès les années 80, à la télérobotique et la télémanipulation. Ainsi, depuis 1992 la revue de référence du MIT « Présence : Teleoperators and Virtual Environnements »[3] alimente la réflexion autour d’un concept qui se déploie dans le champ professionnel de la réalité virtuelle, puis, plus largement avec les médias de simulations interactifs recourant à l’image et au son, jusqu’aux variantes de réalités dite augmentées, altérées, mixtes… Sur un versant plus grand public, l’apparition des jeux vidéo en réseau, incluant des utilisateurs distants, comme la popularisation des pratiques de l’avatar dans les univers persistants, a généralisé des modes de « présence à distance »[4] ouvrant à des rapports de coopération inédits.

Pour ce qui est de la thématique de l’engagement, elle s’est développée à partir de la prise en compte de la nécessaire participation du sujet en termes de transactions et d’actes concrets, ce que l’interactivité met en place dès le début l’informatique, notamment avec la relation dialogique et les différentes modalités de commandes associées. Mais c’est davantage l’élargissement de la palette d’interactions explorée et offerte par les jeux vidéo qui ont démultiplié de nouveaux « mécanismes » d’implication et de décisions. Pour y parvenir, le « game design »[5] a bénéficié des apports de l’ergonomie, de la psychologie positive et des sciences de la cognition. Ce faisant, ont émergé nombre de questionnements portant sur la responsabilité, y compris morale, sur les conditions du plaisir, du sensible et de l’expérience vécue, ainsi que sur les effets de l’accomplissement vidéoludique. De son côté, le web design, et son foisonnement d’interfaces de plus en plus dynamiques et animées, a davantage donné la main à l’utilisateur, pour non plus seulement lui permettre de « naviguer » en cliquant, mais aussi de saisir, repositionner ou manipuler par l’image tout élément de la page web (icône, zones, menu, etc.), mouvement qui s’est encore amplifié sous la généralisation du rapport tactile et direct avec les écrans.

Maintenant que chacune a été abordée, il convient de relever en quoi attention, présence et engagement manifestent des propriétés à analyser spécifiquement dans le cas des médias et interfaces numériques, selon des ressorts plus fondamentaux qui restent encore à élucider.

A ce titre, les articles proposés pourront ainsi utilement interroger certains concepts établis ou en devenir, ayant le mérite d’être à l’intersection de bien des disciplines scientifiques et pratiques de terrain, pouvant irriguer la dimension du design et celle de la création. Ainsi, l’affordance[6], ou invite en français, est supposée naître de la rencontre d’un objet avec un sujet qui mobilise habitudes, capacités et connaissances afin de s’en emparer et agir selon certaines modalités. Cette perspective appelle à penser simultanément les couplages entre milieux, acteurs et objets techniques[7]

On songe aussi au concept de « dispositif[8]» qui aide à éclairer dans le domaine de l’interactivité tout conditionnement opéré par la forme médiatique, ainsi qu’à comprendre l’émergence des subjectivations nouvelles[9]. Pour analyser la manière dont s’articulent attention et intention, est apparue l’utile notion d’agentivité[10] (agency), synonyme de pouvoir d’agir[11] finalisé, celui qu’acquiert dans un environnement artefactuel un humain, grâce à l’interfaçage numérique qui lui accorde les moyens d’une activité ad hoc et sui generis.

Dans un contexte où l’actualité du numérique continue de mettre en avant les objets connectés et géolocalisés, les interfaces tactiles ou gestuelles, les casques immersifs voire les drones et autres robots plus ou moins pilotables, il s’agit de saisir en quoi le triptyque attention-présence-engagement se trouve réordonné, reproportionné et réarticulé. Le questionnement de ce triptyque relève aussi de l’ordre sémiotique (le sens, le processus d’interprétation), de l’ordre éthique (conception du mieux-être individuel et collectif), voire de l’ordre politique (conception de l’organisation de la vie dans la cité et la société). Voilà pourquoi les nouvelles situations de communication en mobilité, en immersion et/ou en coopération multimodale pourront être étudiées, en vue de cerner l’agencement des configurations d’ubiquité, d’hybridation, de délégation… De plus, les nouveaux commerces du sujet avec les mondes virtuels ou informationnels posent également la question de la bilocation, ce mode d’existence simultané dans l’ici et dans l’au-delà des espaces électro-numériques. D’autres approches pourront prendre en charge l’étude du passage réversible de l’intangible/implicite au tangible/manifeste ; de la réalité ordinaire aux espaces informationnels ou fictionnels. Il se trouve aussi que les mutations des interfaces et médias modifient les relations d’identification et de projection, et la production même de sens, mais aussi plus largement, la mobilisation corporelle et cognitive, de sorte que l’approche par les termes d’incarnation et d’incorporation pourra s’avérer pertinente pour renouveler la prise en compte du fameux « facteur humain ».

Enfin, dans le sillage des précédents numéros, il conviendra de tenir compte de la nature médiatique et technologique des objets et milieux étudiés, par exemple de leurs polarités hypermédiatiques ou cybermédiatiques[12], dans le but d’affiner des grilles de compréhension utiles autant à l’analyse qu’à la conception des interfaces numériques, qui ont pour vocation d’intégrer au mieux le sujet instrumenté à leur finalité, en dépassant la classique dualité opposant approches technocentrées et anthropocentrées.

Organisation scientifique

La réponse à cet appel se fera sous forme d’une proposition livrée en fichier attaché (fichier au nom de l’auteur) aux formats .rtf, .doc ou .odt. Elle se composera de deux parties :

  • Une présentation développée de l’article en 10 000 signes maximum ; espaces non compris ; incluant – un résumé – un plan – un corps de texte annonçant le contenu des parties du plan – une bibliographie et/ou références utiles.
  • Une courte biographie du (des) auteur(s), incluant titres et positionnements scientifiques ou professionnels, ainsi que (le cas échéant) :
    • la section ou discipline de rattachement académique ;
    • – le terrain de recherche ou d’expérimentation de l’article.

Le fichier est à retourner, par courrier électronique, pour le 15 mai 2017, à : etienne-armand.amato@u-pem.fr et pereny@gmail.com

Un accusé de réception par mail sera renvoyé aux auteurs.

Calendrier prévisionnel :

  • 15 mai 2017 au plus tard : soumission des propositions d’articles (10 000 signes)
  • 15 juin 2017 : notification aux auteurs des propositions pré-selectionnées en vue de l’expertise scientifique en double aveugle, assortie d’un conseil éditorial
  • 15 septembre 2017 : date limite de remise des articles complets (25 000 signes)
  • 1er novembre 2017 : sélection définitive et transmission aux auteurs des expertises faites en double aveugle, pour finalisation des textes dans le mois par navette
  • 30 novembre 2017 : date limite de remise des articles définitifs
  • 15 janvier 2018 : sortie du numéro en versions numérique et papier

Modalités de sélection :

Un premier comité de rédaction se réunira pour la sélection des propositions d’article et donnera sa réponse le 15 juin 2017, accompagnée de quelques remarques éditoriales utiles.

L’article complet, écrit en français ou en anglais, devra être mis en page selon la feuille de style qui accompagnera la réponse du comité (maximum 25 000 signes, espaces compris). Il devra être envoyé par courrier électronique avant le 15 septembre 2017 en deux versions : l’une entièrement anonyme et l’autre nominative.

Un second comité international de rédaction réalisera une lecture d’expertise en double aveugle des articles et enverra ses recommandations aux auteurs au plus tard le 1er novembre 2017.

Le texte définitif devra être renvoyé avant le vendredi 30 novembre 2017.

Contacts : etienne-armand.amato@u-pem.fr et pereny@gmail.com

Interfaces Numériques est une revue scientifique publiée chez Editions Design Numérique sous la direction de Benoît DROUILLAT et Nicole PIGNIER.

Présentation de la revue classée par l’HCERES (Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) : http://editions-design-numerique.fr/

N.B. Les articles qui ne respecteront pas les échéances et/ou les recommandations ne pourront malheureusement pas être pris en compte.

[1] Hayles, N. (2007). Hyper and Deep Attention: The Generational Divide in Cognitive Modes, Revue Profession, 187-199. Retrieved from http://www.jstor.org/stable/25595866

[2] Boullier Dominique, « Les industries de l’attention : fidélisation, alerte ou immersion », Réseaux, 2/2009 (n°154), p. 231-246. [https://www.cairn.info/revue-reseaux-2009-2-page-231.htm]

[3] http://www.mitpressjournals.org/loi/pres

[4] Weissberg J-L (1999) Présences à distance. L’Harmattan. Coll° « Communication et civilisation ».

[5] Genvo, S. (Dir.) (2006), Le game design de jeux vidéo : Approches de l’expression vidéoludique, L’Harmattan. Coll° « Communication et civilisation ».

[6] Gibson J. J. (1977), The Theory of Affordances. In Perceiving, Acting, and Knowing, Eds. Robert Shaw and John Bransford.

[7] Simondon G. (1958), Du mode d’existence des objets techniques, Aubier.

[8] Revue Hermès N°25 (1999), Le dispositif. Entre usage et concept.

[9] Guattari F. (1987) De la production de subjectivité, Revue Chimère N°4, pp.27-44. (http://www.revue-chimeres.fr/drupal_chimeres/files/04chi03.pdf)

[10] Gell A. (1998) Art and Agency. An Anthropological Theory Oxford, Clarendon Press.

[11] Rabardel P., Pastré (P.) (Dirs.) (2005), Modèles du sujet pour la conception : dialectique, activites, développement, Ed° Octares.

[12] Pereny E. Amato E.-A., (2010), L’heuristique de l’avatar : polarités et fondamentaux des hypermédias et des cybermédias, Revue des Interactions Humaines Médiatisées, Vol. 11. n°1. pp.87-115.

Catégorie(s) : Appels à communication, Communications scientifiques

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